Chapitre 1 : L'Aube et la Chasseuse

Chapitre 1 : L'Aube et la Chasseuse


Je ne sais pas ce qui me tire de ce rêve sans saveur. Est-ce ma maladie, mon âme vide, ma blessure de mon épaule? Je m'appuie sur mon coude avec douleur, il faut que je change de pansement. En cherchant ma trousse de secours, je m'extirpe de mon cocon et de sa chaleur qui me rappelle les bras de l'Explorateur. Ses grands bras qui me tenait à l'abri du froid, lovés dans notre grand lit de luxe, après avoir bien mangés et fait l'amour. Je suis sûre qu'il me souriait ce soir-là.

La fraîcheur des galets évapore ce doux souvenir, je frémis et lâche à la fois un soupir de surprise et de plaisir, la température est tombée bas cette nuit. Ce contraste du chaud au froid me plaît une demi-seconde, car elle me rappelle mon délicieux amant : l'Explorateur, Ercole.

- Oh Ercole, Ercole… Dis-je en murmurant comme si son oreille était près de moi. Reprends-moi dans tes bras, encore une fois…

Quelques branches se craquent sur mon passage, je m'accroupis et saisis le bandage. Peut-être, je tiendrais jusqu'au prochain village, sinon, ces souvenirs m'accompagneront sûrement dans mes derniers instants avant de mourir. J'esquisse un léger sourire : cela ne me dérangera pas.


Le camp de fortune est levé, le sac sur le dos pour caler le poids, un bâton pour soutenir mon corps endolori, il faut que je traverse cette forêt noire. Ce souvenir chaud des lèvres de mon bel amant fait monter faiblement la température de mes joues. Le souvenir de ses lèvres chaudes et humides rafraîchit les miennes, gercées par le froid. La fièvre me fait vaciller entre désirs et réalité. Il faut que je reste concentrée, et traverse ce bois. Il a beau être sorti de ma vie depuis des mois, Ercole me reste connecté dans ce monde.

Le jus des quelques baies de ma besace humidifie ce qui reste sur mes lèvres, que je peine à les ouvrir. Il me reste encore de l'eau chaude avec des épines de sapins dans ma gourde, que je garde qu'en extrême déshydratation. Je m'arrête au moindre point de couleur autre que du blanc pour espérer me faire un repas à base de fruits, prenant mon temps à les observer et comparer dans le carnet de plantes comestibles.

Chaque bouchée, chaque gramme est précieux dans ce monde dévasté par le Grand Froid. Détruisant toute civilisation, les rares survivants se sont regroupés pour faire des fermes, des communautés. D'autres, plus nomades se sont investis dans la musique, le cirque, la guerre, la pêche, et enfin ma catégorie : la chasse.


Je tue avec précision, sans douleur avec mon arc et mes flèches. Au départ, je les achevais avec mon glaive, les animaux agonisant de ma faible expérience. Maintenant, je peux les tuer sans même savoir qu'ils ont une lame dans leurs yeux. Après avoir fait ma prière sur leur corps, je découpe, les vident, nettoient leurs peaux. Les pièces intéressantes sont vendues à des bouchers ou aux riches pour être savourées ou les maintenir en vie, la peau aux couturiers qui transformeront en manteaux ou couvertures. Ici, tout se vend ou s'achète, tout ce qu'il faut pour survivre.

La viande pour moi est ma principale source de nourriture bien que j'apprécie manger des fruits, surtout des baies. J'ai pris goût à mes sorties en chasse, au départ, je les dégustais comme des confiseries ou pour accompagner mes plats. Je tousse et crache du sang : même couleur que les baies.

Je dégage une branche et je souris : cette enveloppe chaude que m'offre le soleil, cette lumière qui éclaircit la grande plaine. Elle réchauffe non seulement cette nuit, mais également mon cœur : enfin arrivée à destination.

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